Comment les noms viennent aux plantes
Vous êtes vous déjà demandé comment les noms viennent aux plantes? C’est une question que je m’étais posée pour un exercice lors la (très mauvaise) formation à l’école lyonnaise des Plantes. Et, en relisant mon écrit, j’ai eu envie d’en partager avec vous les grandes lignes. Les voici.
Après m’être assez longtemps promenée sur différents sites de botanique j’ai eu l’impression que, pour les noms « savants », on trouve deux origines principales aux noms des plantes. Tout d’abord, la dédicace qu’elle soit personnelle, auto-promotionnelle (donner son propre nom à la plante) ou dédiée. Cela concerne surtout les plantes découvertes à partir de la Renaissance, puis celles de l’époque des grandes découvertes au cours de voyages. Ensuite, pour les plantes plus anciennement connues, il est le plus souvent fait appel à la mythologie grecque . Et enfin pour les noms vernaculaires, le répertoire est beaucoup plus « imagé du quotidien » en rapport avec les usages populaires, par exemple pissenlit ou consoude, ou bien issu de l’observation des formes, odeurs…
Pour cet écrit j’avais retenu deux histoires grecques, avec l’arbre à myrrhe Commiphora myrrha de la famille des Burseraceae, et le genre Adonis avec l’Adonis annua, dite « adonis goutte de sang ». Et puis une histoire extraordinaire qui montre bien la difficile place des femmes dans les récits officiels de la science avec l’aventure d’un voyage autour du monde, celui de Philibert Commerson et de Jeanne Barret embarqués en 1767 à bord de l’Etoile, l’un des deux navires de l’expédition de Louis Antoine de Bougainville. Aventure qui finira pas donner deux noms de plantes, le Bougainvillier Bougainvillea de la famille des Nyctaginaceae, découvert à Rio Janeiro et, par des chemins plus détournés, Solanum baretia de la famille des Solanaceae, plante découverte en 1992 et nommée ainsi en 2012. Et enfin, pour ne pas oublier les usages populaires, je vous parlerai d’un nom vernaculaire, pas très heureux mais très parlant, le tamier, appelé herbe des femmes battues. Place aux histoires…
La légende de Myrrha et de son fils Adonis: Myrrha, fille d’un roi de Chypre Cyniras, était d’une grande beauté et a voulu entrer en concurrence avec la déesse Aphrodite qui a moyen apprécié… Jalouse, Aphrodite a fait naitre chez Myrrha un désir incestueux pour son père. En usant de stratagèmes Myrrha conçoit en enfant avec son père, sans qu’il le sache. L’ayant appris Cyniras veut tuer sa fille, alors Aphrodite la prenant en pitié (ou par remord, l’histoire n’est pas claire) la transforme en arbre, l’arbre à Myrrhe avec des espèces de larmes très odorantes qui s’écoulent du tronc… les larmes de Myrrha. Cependant Myrrha était enceinte. L’arbre alors, selon la légende, a enfanté un enfant superbe, Adonis, que se sont ensuite disputées Aphrodite et Persephone la déesse du monde souterrain. Les dieux ont donc décidé qu’Adonis vivrait la moitié de son temps dans les enfers, le monde souterrain et l’autre moitié avec Aphrodite. Adonis passe donc son enfance avec Persephone puis, adolescent, retrouve Aphrodite qui en tombe amoureuse. Adonis se sauve en forêt, veut chasser, se fait charger par un sanglier… Aphrodite se précipite, se prend les pieds dans les ronces, enlace Adonis qui meurt dans ses bras. Le sang d’Adonis qui coule par terre donne naissance à une fleurs d’un rouge vif, l’Adonnis annua, « Adonis goutte de sang ». C’était vraiment pas de tout repos la vie des dieux et déesses.Source de cette histoire à rebonds, Jean-Marie Pelt, qui raconte bien mieux que moi, dans une émission de France inter « Histoire de plantes », du 3 avril 1985. Archives InaDans ces histoires Jean-Marie Pelt voit une métaphore du cycle de la plante. Adonis serait ainsi une graine née d’un arbre, elle tombe et se développe sous le sol, devient une belle plante sur terre puis retombe s’enfouir dans le sol. N’hésitez pas à écouter cette archive, au moins pour le plaisir de retrouver cet homme extraordinaire quelques minutes.
Le fabuleux voyage de Jeanne Barret première femme (en tous les cas de notre civilisation) à faire le tour du monde. Jeanne Barret a été engagée comme femme de chambre par le botaniste Philibert Commerson pour s’occuper de son fils. Passionnée par la botanique, et visiblement avec de grandes capacités d’apprentissages, elle deviendra très vite son assistante pour ses travaux, tant sur le terrain que pour les classements, étiquetages, etc… et aussi un peu plus dans sa vie. Lorsqu’en 1766, Commerson est retenu pour participer, en tant que botaniste, à la première expédition autour du monde organisée par la marine royale sous la direction de Bougainville, Jeanne se déguise en homme (les femmes étaient interdites sur les navires) et embarque comme matelot, valet et assistant de Commerson. Elle ne sera découverte que bien plus tard, et ayant fait ses preuves, le commandement continuera de fermer les yeux. Elle a fait un vrai travail de botaniste, souvent sur le terrain en lieu et place de Commerson qui blessé et en mauvaise santé ne pouvait pas toujours l’effectuer lui-même. L’histoire est fabuleuse, presque incroyable, et il serait dommage de la résumer en quelques lignes. Je l’avais entendue il y a quelques mois sur FI, elle est encore disponible en podcast pour celles et ceux que ça intéresse. Autant en emporte l’histoire: Jeanne Barret la première femme autour du monde.
Pour revenir aux noms des plantes, le Bougainvillier, Bougainvillea, a été découvert à Rio de Janeiro et Commerson l’a baptisé ainsi en l’honneur de Louis Antoine de Bougainville, commandant de l’expédition et du navire La Boudeuse. Le botaniste a ensuite dédié une plante à Jeanne, un arbuste de la famille des Meliaceae, Baretia bonnafidia. Mais, pas de chance, l’espèce changera, par la suite, de nom pour devenir Turraea floribunda!!! Cependant fruit d’un heureux hasard, 200 ans plus tard un autre botaniste, Eric Tepe, nommera une plante en l’honneur de Jeanne Barret: le Solanum baretia de la famille des Solanaceae, très jolie petite plante qui n’existe que dans la région de Huancabamba Amotape, en Amérique du Sud. Les pétales de ses fleurs peuvent être dans des tons de violet, jaune ou blanc. J’ai mentionné que c’est un peu par hasard qu’une plante, si discrète soit elle, porte un nom en hommage à l’extraordinaire exploratrice que fut Jeanne. Eric Tepe raconte: «Un jour, en voiture, j’ai entendu une interview à la radio publique américaine de Ridley Glynis, qui a publié une biographie de Baret. J’avais recueilli des plantes au Pérou quelques mois auparavant et je cherchais un nom approprié pour une nouvelle espèce. Commerson avait proposé de donner le nom de Baret à une plante à feuilles aux couleurs variables, et c’est une caractéristique de la nouvelle espèce.»… A quoi tient le nom des plantes et la mémoire des exploits des femmes! Jeanne Barret (ou Baret suivant les documents), est rarement mentionnée dans les historiques botaniques, et c’est bien dommage, merci à Christel Mouchard de l’avoir un peu fait revivre. Et pour conclure ce petit billet avec les noms vernaculaires, je vais mentionner maintenant une plante effectivement très efficace (comme je me cogne souvent en bricolant ou jardinant je l’ai testée)… c’est le tamier, Tamus communis, très fréquent le long de mes chemins de balade, appelé aussi Herbe des femmes battues pour ses propriétés anti « bleus ». Le nom n’est pas terrible mais bien parlant.
J’espère que vous avez pris plaisir à découvrir quelques éléments de « comment les noms viennent aux plantes » et pour celles et ceux qui auront pris le temps des écoutes podcasts le bonheur de partir à l’aventure avec Jeanne ou de partager les rêveries de Jean-Marie…